Nos gouvernants, nos dirigeants, les banques centrales, tous considèrent la croissance de notre PIB comme une bonne nouvelle. Pourquoi ? Ont-ils raison ?
Le Produit Intérieur Brut, c’est la valeur totale en Euros de ce que les ménages, les entreprises individuelles, petites, grandes, cotées en bourse, banques, assurances, administrations publiques, etc. bref tous les agents économiques ont produit dans l’année. En Euro nominal, celui de la France a été pour l’année 2017 d’environ 2.200 Mrd EUR (soit environ 33.300 EUR par foyer fiscal, voir graphe en bas de page). En 2000 il était d’environ 1.530 Mrd EUR. La croissance annuelle moyenne du PIB français depuis 2000 est d’environ 1,9% ce qui comme par hasard a été notre croissance en 2017. Ces chiffres sont calculés en Euros courants, et sont un peu différents en Euros constants (corrigés de l’inflation) mais ce n’est pas notre sujet aujourd’hui.
Vous avez remarqué dans tous les médias que nos gouvernants et dirigeants, ainsi que nos amis européens, se félicitent de ces chiffres, alors que depuis la crise de 2008 tous se plaignaient de l’atonie de l’économie française.
Pourrions-nous combiner la croissance du bien-être avec la décroissance du PIB ? Cela voudrait dire que la partie marchande de ce que nous produisons irait en diminuant, tandis que les éléments constituant notre bien-être (espérance de vie, patrimoine personnel, santé…) iraient en progressant.
Théoriquement c’est possible mais pas forcément satisfaisant. Imaginez un retour à la terre général, où une majorité de citoyens cultive son jardin avec poulailler et quelques chèvres, le tout de taille suffisante pour produire juste le double de ses besoins propres; et il vend l’excédent – la production marchande – par des circuits courts de distribution, le marché public de la ville voisine par exemple. Le PIB français chuterait vertigineusement parce qu’environ la moitié de la production qui est auto-consommée n’est plus vendue, donc le chiffre d’affaires qui lui correspond ne peut plus être comptabilisé par l’INSEE et autres. Nous avons connu quelque chose d’approchant pendant le régime de Vichy – l’Occupation – quand les Français avec leur agriculture déjà jugée archaïque à l’époque survivaient moins mal que par exemple les Hollandais qui pratiquaient déjà une monoculture sur des grandes surfaces et dépendaient plus des ventes pour vivre.
On peut discuter de jusqu’à quel point ce serait souhaitable.Je pense que c’est plutôt dans cette direction-là qu’il nous faudrait aller, comme l’expose le britannique Rob Hopkins dans son Manuel de la Transition. Mais qu’importe : c’est impossible dans le modèle économique actuel parce que ce serait catastrophique pour l’État et pour quelques catégories essentielles d’activité:
La taxe qui rapporte le plus à l’État – près de 200 Mrd EUR – est la TVA. Elle pourrait ne rapporter que deux à trois fois moins.
La recette des divers impôts sur le revenu (IS, IRPP, CSG, CRDS…) chuterait fortement. Or il s’agit d’environ 220 Mrd EUR par an.
Les banques et marchés financiers: Les financements de toutes dettes et tous crédits verraient leur volume diminuer fortement.
La chute générale du PIB et des recettes fiscales et financières signifierait que l’État n’aurait plus du tout les recettes permettant de payer la charge de la dette française actuelle – les seuls intérêts – laquelle coûte environ 45 à 50 milliards par an. Avec une dette pareille donc, il n’est pas question d’engager sérieusement une sortie de l’économie financiarisée.
Cependant notez bien que je ne propose pas de rembourser cette dette! En effet, tant que la croissance de la dette est moindre que la croissance du patrimoine total, il n’y a pas péril immédiat en la demeure. Car le patrimoine –la fortune totalede la France et de ses citoyens, environ 13 000 milliards aujourd’hui – grandit depuis plusieurs décennies deux fois plus vite que le PIB. Signalons simplement que, avec une telle dette, il nous est impossible de sortir du modèle économique actuel. Et si nous ne faisons rien, il y a plusieurs dangers à l’horizon.
Il faudrait, pour en sortir, que la recette fiscale cesse d’être directement dépendante de la croissance du PIB. Et c’est possible si on remplace, graduellement bien sûr, tous impôts sur les revenus par un impôt sur le patrimoine des personnes physiques.