La Double Démocratie donnerait au Parlement européen le pouvoir qu’il aurait dû gagner, et rend aux parlements nationaux le pouvoir qu’ils ont perdu depuis que les pays de la zone euro coordonnent leurs politiques économiques. Comment la France, en imposant le patrimoine passif plutôt que le revenu, pourrait forcer un chemin vers l’union budgétaire et sa fiscalité commune.
Entre pays en excédent et pays en déficit, la Double Démocratie garantirait la symétrie des ajustements et mettrait fin à la désintégration de l’économie européenne. L’Impôt progressif sur le patrimoine libérerait de la financiarisation 1) les pays membres qui l’introduiraient dans leur régime fiscal, puis 2) l’lUE si elle l’adoptait à son tour. Comme l’évasion fiscale n’est qu’un effet de l’imposition du revenu, et comme le patrimoine passif ne peut pas échapper à l’impôt, la puissance publique récupérerait automatiquement les milliards dont les fraudeurs la dépouillent. Ces propositions; venues de Manifeste continental et du Comité Bastille, et reprises par le CADE, sont à portée de main. Bernard Barthalay, président de « Manifeste continental – pour une République d’Europe », explique ici comment les articuler ; et en parlera le 5 juin à notre Assemblée Générale.
Amis et partenaires du Comité Bastille !
Nous, Européens, vivons un moment tout à la fois polanyien, au sens de Karl Polanyi, La Grande Transformation (1944) et keynésien, au sens de John Maynard Keynes, Les conséquences économiques de la paix (1919).
Nous partageons le moment polanyien avec tout le genre humain, parce que la politique est partout embedded(embarquée, incrustée, incorporée) dans l’économique, et l’économique dans la finance. Quand je dis la politique, il faut entendre aussi bien la politique ou politics au sens d’une lutte pour le pouvoir, que les politiques gouvernementales ou policies au sens des préférences collectives qui procèdent de cette lutte et les polities (nos Etats et, potentiellement, les fédérations d’Etats) au sens des corps politiques où ces préférences s’ajustent tant bien que mal, par la délibération ou la négociation.
Jusqu’à maintenant, à l’affirmer sans précaution, on se taillait vite une réputation de révolutionnaire ou de fou. Les conservateurs se gardaient bien de dévoiler le pot aux roses. Et les socialistes aussi, qui s’attaquaient en paroles, comme Mitterrand, aux forces de l’argent, mais ont consenti, avec Delors, à la libre circulation des capitaux tout azimut, laissant l’Europe sans identité financière. Il fallait s’appeler Rocard pour dénoncer, mais en fin de vie, l’arnaque de la dette et de la monnaie privée.
Or, un événement récent, qui a échappé à beaucoup, vient de changer la donne. Angela Merkel (par naïveté ou par cynisme) a vendu la mèche. Elle a parlé de « démocratie conforme au marché ». Ce faisant, elle a renversé les tables de la loi allemande. Elle a dit tout le contraire de ce que pensaient les fondateurs de l’ordo-libéralisme (notamment Eucken, Rüstow ou Böhm) pour qui le marché était une institution dont la puissance publique fixait les règles de sorte qu’il puisse fonctionner pour le bien commun et que soit empêchée la subversion de la démocratie par les totalitarismes. Les ordo-libéraux voulaient instituer un marché conforme à la démocratie. On retrouverait évidemment dans le catholicisme social (le Vatican vient de le rappeler dans un texte édifiant sur les abus de la finance) ou dans la tentative lointaine de la social-démocratie de contenir le capitalisme (au sens d’un containment), le même souci de soustraire le marché à l’emprise de la finance et de mettre l’économie au service de l’homme.
Cette innovation verbale de Merkel n’est pas anodine, car c’est justement la Marktkonforme Demokratiequi est à l’origine du moment keynésien que partagent les Européens entre eux. C’est la démocratie conforme au marché qui engendre la désintégration de la zone euro via le déséquilibre permanent que Schröder et sa loi Hartz IV ont infligé aux partenaires de l’Allemagne (les excédents des uns étant les déficits des autres, selon la formule d’Helmut Schmidt) et la déflation compétitive que l’imitation de l’Allemagne par ses partenaires a propagée en Europe. Y remédier, c’est instituer, selon la recommandation de Keynes, un mécanisme de recyclage des excédents, ce qui s’appelle dans une union d’États, un Trésor fédéral.
C’est ce constat qui fut le point de départ de la première feuille de route (2008) de mon réseau Puissance Europe, qui tissait sa toile depuis 2006, c’est cette feuille de route que j’ai mise sous les yeux de Michel Aglietta, le convainquant de passer de nouveau à l’action comme, aux temps pionniers du système monétaire européen, pour la monnaie unique et pour une banque centrale fédérale, mais cette fois pour un institut budgétaire européen (IBE), comme précurseur d’un Trésor. C’est cette idée de l’IBE qui déclencha chez lui une production explosive (du New Deal pour l’Europe, qui citait notre feuille de route, à La Double Démocratie, en passant par La Monnaie). Sans cet engagement, et sans la découverte, grâce à Michel Meunier, de l’engagement d’André Teissier du Cros et du Comité Bastille contre la financiarisation et ses méfaits, un Comité d’action pour la Démocratie en Europe n’aurait pas vu le jour et je ne serais pas là en train de vous parler.
Involontairement, presque par mégarde, peut-être parce qu’elle a lu tout haut une suggestion elliptique d’un collaborateur, Angela Merkel nous rend service, car elle nous donne une arme redoutable. Sa formule confirme notre analyse. Et, « en même temps », elle nous a fabriqué un mot d’ordre : il suffit de retourner sa formule : « pour » un marché (et une finance) conforme à la démocratie (ein Demokratiekonformer Markt).Et, bien sûr, dans toute l’Europe.
Pourquoi le combat contre la financiarisation est-il indissolublement lié à la démocratisation de l’UE et de la zone euro ? Et comment esquisser des stratégies transeuropéennes pour inverser la logique de la financiarisation sauvage et la logique corrélative du nationalisme autoritaire ?
Il est de bonne méthode d’envisager l’action successivement d’un point de vue mondial, du point de vue de l’UE, du point de vue de la zone euro, de celui d’un Etat membre et d’un point de vue local/urbain, le plus proche du citoyen.
- Le monde multilatéral de Bretton-Woods est agonisant. Trump et le Brexit lui assènent le coup de grâce. L’extraterritorialité du droit américain, l’hégémonie du dollar, l’actionnariat transversal ou horizontal pratiqué par les fonds d’investissement, les fonds de pension et les fonds souverains, les inégalités monstrueuses qui résultent de la concentration de la richesse entre quelques mains aux dépens de tous, indiquent des pistes qui toutes supposent une « guerre d’indépendance » de l’Europe contre les dissymétries induites par le décalage entre sa puissance économique et financière et son impuissance politique. Cette guerre peut se faire par des mesures unilatérales de l’Europe ou dans le cadre de grandes négociations intercontinentales, mais dans les deux cas, elle présuppose la puissance d’un État à la bonne échelle, donc au minimum la zone euro, une res publica d’Europe, pour disposer du pouvoir d’initiative et de négociation requis. L’objectif est une refondation du système mondial des Etats non par une puissance bienveillante comme les États-Unis de l’après-guerre, exerçant son hégémonie sur des alliés et protégés consentants, mais sur la base d’un équilibre accepté par tous et de règles communes (monétaires, commerciales, comptables, fiscales) qui fassent reculer la financiarisation et la gouvernance d’entreprise centrée sur la valeur de l’action. Seule une solution communautaire à la Monnet, mais globale et à condition de ne pas l’oublier en cours de route comme en Europe, peut déboucher sur un nouvel ordre mondial propice à la démocratie, même s’il doit compter parmi ses protagonistes des puissances comme la Chine ou la Russie, qui ont beaucoup de chemin à faire sur le terrain des droits humains, mais qui ont intérêt à cet équilibre et à cette organisation, parce qu’elles sont exposées comme nous au risque climatique.
- C’est à l’échelle de l’Union européenne que se joue, au plus près de nous comme acteurs et pour la part qui revient à l’Europe, la lutte contre le dérèglement climatique et pour la transition énergétique, le passage d’un régime de destruction productiviste et consumériste de la nature à un régime de croissance décarbonée, sobre, équitable et durable dont les dimensions politiques sont la conquête de l’indépendance à l’égard des économies de rente pétrolière et gazière (nord-américaine, russe et arabe), l’interdépendance avec le bassin méditerranéen et l’Afrique pour le solaire et la régulation des flux migratoires, l’invention d’une nouvelle finance publique apte à investir dans le long et très long terme (éducation, recherche, santé, autonomie énergétique de l’habitat, mobilités douces, régénération des sols, biodiversité, nettoyage des eaux territoriales, protection des zones inondables, biocompatibilité de la production et de la consommation alimentaire et industrielle, codéveloppement des zones d’immigration et d’émigration, prise en charge des solidarités intergénérationnelles que les États-providence nationaux ont tant de mal à gérer… ). Quelques-unes des conditions du succès seraient à court terme un budget étoffé et recomposé de l’UE sur la base d’une fiscalité propre à l’Unionet incitant à la décarbonisation et à l’économie d’énergie, la mise en réseau des banques publiques d’investissement autour de la BEI, une capacité de décision et d’action commune (le vote au lieu du veto), la délibération du Parlement européen sur ce budget, donc sur les préférences collectives européennes, notamment sur le financement des infrastructures de réseau nécessaires aux transitions énergétique et numérique. Inutile de changer les traités. Il suffit de les pratiquer autrement et en exerçant ensemble les fonctions d’emprunteur et d’investisseur en dernier ressort. Le problème majeur aujourd’hui, c’est « How to pay for climate change? ».C’est l’avancée sur cette question qui révolutionnera l’UE. A ce sujet, le moment est keynésien, une fois de plus, mais au sens de John Maynard Keynes, How to pay for the war ?(1941). A l’époque, il fallait une révolution comptable pour faciliter le financement de la reconstruction sur une base multilatérale. Le système de comptabilité sociale des Nations Unies entra en vigueur en 1945. Aujourd’hui, il faut donner de « la richesse des nations » une définition élargie. Une révolution comptable de même ampleur est nécessaire, à l’initiative de l’Europe, non seulement dans la comptabilité sociale, mais aussi dans la comptabilité privée, ce qui pose, entre autres et dans toute son ampleur, les questions de l’extraterritorialité du droit américain et de l’administration des communs planétaires.
- Tant que la zone euro n’est pas aussi une union budgétaire et une union bancaire, autrement dit, tant que l’euro n’est pas une monnaie complète, sa stabilité financière pérenne n’est pas assurée, faute de garantie budgétaire (fiscal backstop) commune, de stabilisateurs automatiques et d’instruments macro prudentiels crédibles. En d’autres termes, l’euro reste potentiellement exposé au risque de désintégration de l’espace économique à monnaie unique, et sans défense face à une lecture idéologique des traités, qui croit intelligent d’étendre la concurrence des firmes aux Etats et à leurs régimes salariaux, sociaux et fiscaux. Selon la lettre des traités, la libre concurrence entre les firmes ne doit pas être « faussée » (Lisbonne), les « distorsions de concurrence » (Rome) sont combattues, les « aides d’État » sont interdites, mais au début du XXIe siècle un Etat, les partenaires sociaux et le législateur allemands, se sont arrogé le droit d’aider massivement toutes les firmes en leur octroyant unilatéralement un avantage compétitif, engendrant artificiellement en faveur de l’Allemagne un excédent commercial permanent, sans que personne ne bronche. Ce pays s’est donc enrichi, passant d’un excédent commercial à un excédent budgétaire et se désendette aux dépens des voisins. Le risque de désintégration procède donc d’une dissymétrie interne à la zone euro entre des pays créditeurs et des pays débiteurs et de la polarisation de cet espace autour de l’Allemagne. Tout a été prévu pour prévenir et sanctionner les déficits, mais rien n’est entrepris contre les excédents. Or, on ne peut résorber les déficits, et donc la dette, qu’en recyclant les excédents. Le biais idéologique de la lecture allemande du traité est moral. En allemand, la dette (Schuld) est la faute. Il est aussi politique. Quand l’intérêt commun et les intérêts particuliers (nationaux et privés) sont en conflit, c’est l’intérêt commun qui plie. C’est alors la démocratie qui s’adapte au marché, comme l’avoue Angela Merkel. Et ce sont la puissance publique, les services publics et la protection sociale qu’il faut appauvrir. Pour inverser la race-to-the-bottominduite par la concurrence des États et de leurs régimes salariaux et sociaux, un État fédéral disposerait d’un Trésor, qui opérerait des transferts entre citoyens et entre territoires, par l’impôt et la dépense publique, et qui aurait la capacité d’emprunter. Dans l’UE, une union d’États qui n’est pas un État, le choix est entre la négociation intergouvernementale qui dégénère en affrontement ou une procédure de co-gouvernement propre à garantir la symétrie des ajustements entre Etats membres sous contrôle parlementaire européen et national: c’est ce que nous appelons la « double démocratie« . Techniquement, il s’agit d’une réforme démocratique du « semestre européen », à traités constants. Cette solution, proposée par le CADE, est à portée de mains. Il suffit que les décideurs en comprennent la pertinence et l’économie de moyens.
- Les États membres : dans dix ans, si les transformations urgentes ne sont pas accomplies, c’est-à-dire si les grands investissements énumérés dans mon deuxième point ne sont pas financés et s’il n’est pas mis fin à la polarisation économique autour de l’Allemagne comme je l’ai indiqué dans mon troisième point, il n’y aura plus d’Union européenne centrée sur une monnaie. L’affrontement, déjà, se dessine : Macron a mis en cause l’excédent allemand, la coalition italienne pose délibérément des revendications irrecevables. Sauf crise majeure, ou crise interne des partis de la Groko, tout indique que l’Allemagne restera sur ses positions et ne concédera rien. En Allemagne, la Transferunionest tabou, l’idée d’une autonomie budgétaire commune se heurte à des objections d’ordre constitutionnel réputées difficiles à surmonter, l’idée que les parlements osent s’immiscer dans l’entre-soi budgétaire et fiscal des exécutifs a été balayée d’un revers de main par le ministre Scholz, et Merkel pose la Marktkonforme Demokratiecomme ultime rempart contre toute approche macroéconomique et contra-cyclique de la politique économique. Ce sera donc l’explosion, sauf si la France, devant l’immobilisme allemand, est capable d’une initiative unilatérale, pas seulement pour défendre l’intérêt de ses résidents, mais pour engager l’Allemagne et l’ensemble de la zone euro dans la voie d’un budget qui lui soit propre et de la double démocratie. L’article 103, al. 1, de Maastricht pose que les politiques économiques sont « une question d’intérêt commun ». Cela n’a pas empêché l’Allemagne d’infliger à ses partenaires les effets collatéraux de sa dévaluation interne. De même, la France doit sortir de la spirale déflationniste où l’enferme le gestion purement comptable et anti-sociale du statu quo tout en créant pour ses entreprises un avantage compétitif: au delà des contre-réformes en cours et à ressources constantes, elle ne dispose pas de la marge de manoeuvre budgétaire et du consensus politique pour le faire dans la mesure nécessaire sur le terrain des salaires, des retraites ou des prestations sociales, elle devra se tourner vers la fiscalité, en basculant par étapes l’imposition progressive des personnes physiques, de leur revenu vers leur patrimoine passif, selon le plan décennal imaginé par le Comité Bastille, et soutenu par le CADE. Comme l’évasion fiscale est un corollaire de l’imposition du revenu, et comme le patrimoine passif n’échappe pas à l’impôt, la puissance publique récupérera automatiquement les milliards dont les fraudeurs la dépouillent. Quand nos partenaires auront compris, eux aussi, que leur intérêt est de sortir des politiques néo-libérales et qu’il est impératif d’adopter un nouveau policy mixplus juste et plus durable, cette réforme fiscale française sera contagieuse, à l’instar de la TVA inventée en 1954 (pendant une crise européenne!) et qui fut au cœur des premiers efforts d’harmonisation fiscale. L’IPP peut avoir le même destin et, comme à l’époque, placer la France « en pole position ».
- Les citoyens : la grande question stratégique est alors celle de la base sociologique des points précédents, du plus proche chronologiquement et territorialement au plus global. L’initiative unilatérale française proposée en (4), et qui sera de plus en plus séduisante au fur et à mesure que les opinions publiques, les pays membres et les institutions communes réaliseront que l’Europe va dans le mur, ne sera pas lancée, soutenue ou imitée par des forces politiques qui ont le néo-libéralisme dans leur ADN, et se heurtera à l’inertie de la haute administration fiscale et au « mur d’argent » pour reprendre la formule d’Édouard Herriot en 1924. Mais elle serait populaire en revanche chez les salariés, chez les retraités, dans les start-ups et plus généralement chez les patrons de PME, et enfin chez les maires, non seulement parce que l’État central serait plus riche et serait incité à investir dans les territoires, mais parce que la fiscalité locale pourrait se redéployer face à une capacité contributive accrue des résidents. Les partis qui le comprendront seront donc élus et les gouvernements issus de ces partis seront politiquement crédibles, et le France sera alors en position d’obtenir de l’Allemagne qu’elle lève ce qu’il faut bien appeler son veto sur l’union budgétaire, donc politique.La crédibilité extérieure de cette action unilatérale de la France ne dépendrait pas seulement de circonstances d’ordre politique, mais aussi d’une plus grande rigueur dans l’administration de ses finances publiques. C’est ce que le Comité Bastille avait compris dès sa création en préconisant « une loi de discipline budgétaire ». Depuis la création du « semestre européen » (2010) et depuis que le principe de l’équilibre des comptes publics sur le moyen terme est acquis et qu’un mécanisme de correction automatique est en place (2012), légiférer encore sur la question ajouterait à la difficulté. Ce serait le meilleur moyen de rouvrir de vains débats idéologiques et d’aviver les prurits identitaires, voire de remettre en cause la coordination des politiques économiques, sans convaincre pour autant nos partenaires, bien au contraire.
- L’alerte : Dans le cadre du semestre européen, le Haut Conseil des finances publiques est chargé de veiller en permanence à ce que les comptes publics ne s’écartent pas trop du « tunnel » défini par la loi de programmation. C’est lui qui, en France, déclenche la correction automatique. Et c’est la Commission européenne qui surveille le respect des objectifs pluriannuels de l’Union. L’alerte est donc donnée deux fois, une fois dans l’Etat membre, une deuxième fois dans l’Union, dont le rapport du mécanisme d’alerte (Alert Mechanism Report) est le point de départ de la surveillance qui peut aller jusqu’aux sanctions si la procédure de déséquilibre excessif est déclenchée. Je souligne qu’il s’agit bien de déséquilibre (imbalance), donc aussi bien de déficit que d’excédent. Dans l’Union, trop de vertu est aussi une faute au regard de l’intérêt commun, et l’Allemagne ferait bien de s’en aviser.
- Le contrôle : Le Conseil constitutionnel fait valoir i) qu’il n’a pas compétence à entrer dans un « débat d’experts » sur l’évaluation des recettes fiscales et ii) que les dépenses publiques sont porteuses de politiques publiques dont il n’est pas juge – séparation des pouvoirs oblige. En revanche, il est tout à fait recommandable en France de confier un contrôle prévisionnel des dépenses à une Cour des Comptes réformée, dotée de pouvoirs et d’une indépendance comparables à ceux du Contrôle Fédéral suisse des Finances Publiques. Comme les Français sont volontiers suspicieux quant à l’usage public de leurs deniers, mais comprennent que le rapport annuel de la Cour des Comptes est un exercice sans suite, il y a tout lieu de penser que les auteurs de la réforme gagneraient en popularité. Elle est donc politiquement vendable, tout en faisant évoluer la culture budgétaire française vers un surcroît d’efficacité dans l’administration des comptes publics, à ne pas confondre avec l’austérité néo-libérale. Mais ce serait une loi sur la surveillance financière portant réforme de la Cour des Comptes, pas une loi de discipline budgétaire.
Et l’IPP pourra s’étendre à l’Europe, de proche en proche, ouvrant la voie à une fiscalité commune plus juste. A compter de là, un climat politique tout autre régnerait sur tout le continent, et les initiatives locales de la société civile organisée, en direction du processus pré-constituant de nature participative et délibérative, que Manifeste Continental a en projet, pourraient alors se déployer massivement jusqu’au succès. Et les utopies réalistes (revenu universel inconditionnel de base, monnaies locales, monnaies pleine, monnaie positive, … ) que portent le Manifeste Continental, le Comité Bastille, plusieurs mouvements politiques transeuropéens et une myriade d’initiatives locales, citoyennes ou d’entreprise, en réseau, pourraient devenir réelles à leur tour. Pour reprendre l’idée de la métamorphose chère à Edgar Morin, le « peuple européen » (Spinelli) passerait de sa forme larvaire à sa forme juvénile puis à l’âge adulte, après sa constitution, celle de la res publicad’Europe de mon point (1).