Comment j’ai découvert que j‘étais européen.


En 1944 j’avais sept ans, et j’ai vu arriver les soldats américains. Et bien entendu je suis tombé amoureux de l’Amérique. Comme beaucoup de français de mon âge.

En 1965 je suis allé visiter l’Amérique avec mon patron de l’époque. Il m’avait emmené malgré mon manque d’expérience – j’avais 28 ans – parce que j’étais le seul dans sa firme qui parlait anglais. Ce fut une confirmation. L’Amérique était tout ce que j’imaginais en 1944, et mieux encore.

Entre 1965 et 1981 j’ai visité l’Amérique pour mon travail au moins une fois par an. Rien ne m’a fait changer d’avis. L’Amérique, c’était l’avenir. J’avais déjà deux clients américains, et plusieurs clients qui cherchaient à y investir. C’était l’air du temps. Alors j’ai fait le saut. En Avril 1983 j’avais acheté une maison à Atlanta, et j’avais créé ma société ou j’ai vite transféré ma clientèle.

Et puis j’ai découvert l’Amérique des affaires vue de l’intérieur, puis la vie politique, sociale, et religieuse; puis j’ai rencontré de plus en plus d’Américains, vraiment beaucoup, parce que les missions pour nos clients m’ont fait travailler dans 48 des 50 Etats, y compris l’Alaska, Hawaii, Puerto Rico,…

Et j’ai pris conscience de « ce qui n’allait pas en Amérique » vu avec mes valeurs : l’ingérence de la religion dans la politique ; pourquoi ils n’arrivaient pas à abolir la peine de mort ; pourquoi il n’était pas obligatoire d’assurer sa santé alors que cela l’était pour sa voiture, et pourquoi plus de 50 millions d’américains ne pouvaient pas se payer une assurance santé ; pourquoi l’avortement n’était permis que dans les cas couverts par la jurisprudence du Jugement de Roe contre Wade, voir http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=1430 ;  pourquoi l’idée de la TVA était vue comme tellement hérétique qu’on ne pouvait pas en parler sous peine de passer pour un dangereux totalitaire ; pourquoi O. J. Simpson assassina à coups de couteau son ex-femme et un ami de celle-ci dans des circonstances ne laissant aucun doute sur sa culpabilité et fut cependant acquitté… en dépensant, disent certains, cinquante millions de dollars de frais d’avocats pour arriver à ce que le jury choisi soit trop ignorant pour conclure sur les preuves présentées ; pourquoi en 2010 l’espérance de vie des américains était de 3 ans moindre que celle des français, et est maintenant (2019) de 4,2 ans, malgré des dépenses de santé par tête de plus du double du chiffre français ; pourquoi l’Amérique est le pays des deux tiers des avocats du monde, compte un avocat pour trois cent habitants, et le nombre de morts violentes victimes d’armes automatiques conçues pour un assaut d’infanterie et non pas pour chasser le gibier ; pourquoi, par contre, la seule force de police dont les compétences et le pouvoir sont comparables à celle de notre gendarmerie, les U. S. Marshalls, ne compte que 3 300 membres alors que nous avons plus de 100 000 gendarmes pour une population cinq fois moindre ; pourquoi, alors qu’en France 27% des mariages sont entre ethnies ou nationalités différentes (sans même parler des religions), en Amérique ce ne fut qu’en 1967 que les mariages dits interraciaux devinrent légaux dans tous les Etats ; pourquoi, alors qu’avant 1962 la France avait été, de toute les nations de l’histoire, celle qui fut le plus souvent en guerre et est maintenant citée avec l’Allemagne comme une des plus pacifiques, l’Amérique a maintenant de loin le plus important budget militaire et est maintenant la nation la plus souvent en guerre, voir https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_the_lengths_of_United_States_participation_in_wars ;  pourquoi l’esclavage fut légalement aboli pacifiquement partout dans le monde, alors que l’Amérique fut un des tout derniers à l’abolir et ce fut au coût d’une guerre qui causa cinq cent mille morts en cinq ans (1861-65) soit 1% de sa population d’alors ; pourquoi l’Amérique détient le record du monde de la population carcérale avec plus de 500 habitants en taule pour cent mille habitants, alors que la France – et le Canada la porte à coté – en compte moins de 200 (ce qui pour moi est encore bien trop), l’Allemagne moins de 100, et le Japon moins de 50 (mais dans des conditions sévères, Carlos Ghosn peut vous en parler…) voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_population_carc%C3%A9rale

Et voici ce que j’ai découvert sur place :

J’ai rencontré beaucoup d’Européens qui vivaient comme moi en Amérique : Britanniques, Français, Allemands, Polonais, Croates, Scandinaves, Italiens, Espagnols, Tchèques, Portugais…

Tous étaient d’accord avec la liste ci-dessus, et que cela trahissait bien ce qui ne va pas en Amérique !

Alors sur quoi donc les Européens sont-ils d’accord ?

  • Que la vie humaine est sacrée.
  • Que la femme est l’égale de l’homme, donc, comme lui, maîtresse de son corps.
  • Que la guerre et la violence sont toujours les pires des solutions, et que la seule solution durable d’un conflit est le consensus.
  • Qu’un être humain ne peut jamais être coupable pour ce qu’il est, ni ce qu’il croit.
  • Qu’aucun peuple n’est élu, choisi, désigné par l’Histoire ou par Dieu, donc supérieur aux autres.
  • Que la seule compétition digne est celle d’où tous sortent gagnants.
  • Que la fortune matérielle n’est jamais la récompense d’une vertu, ni le signe d’un esprit supérieur ou d’un jugement plus sage, ni la garantie que le fortuné est plus dans son droit que les autres.
  • Que tant que celui dont les ressources matérielles sont les plus modestes sera en danger, c’est toute l’humanité qui le sera.

J’en conclus, et beaucoup d’autres, que l’Europe en vaut la peine. Pas seulement parce qu’elle nous a épargné depuis 1950 les cent millions de victimes de la guerre qu’on avait connus entre 1910 et 1950; mais parce que ce sont ces valeurs qui sont les bonnes, avant meme de parler des constitutions, lois et traités.

Quand les membres du Comité Bastille ont tenté de mettre ce consensus par écrit en 2017, ils n’ont pas eu tellement de mal à condenser tout cela dans un texte, que vous trouverez à http://comitebastille.org/ce-que-nous-croyons/,

 Texte qui a de plus en plus de signataires.

Pourquoi pas vous ? Contactez-moi à atc@comitebastille.org

Auteur/autrice

  • André Teissier du Cros

    Président honoraire et fondateur du Comité Bastille ; Ingénieur-Docteur SupMéca (1958-63). Depuis 1972 dirige un cabinet de stratégie de l’entreprise et dirigeant intérimaire de 3 entreprises aux USA et au Canada. Acteur de soixante rapprochements d’entreprises entre l’Amérique du Nord, l’Europe, le Japon, la Chine, l’Inde, le Moyen-Orient… ; Journaliste économique (1965-71). Ouvrages : Le Courage de Diriger (Robert Laffont, 1969), L’Innovation (Robert Laffont, 1971), Recherche d’Activités et Produits nouveaux (Prix IAE du Management, 1977) ; L’Innovation Malade de l’Impôt (Eyrolles-Ed. d’Organisation, 1980); traducteur-éditeur de The Fifth Rung on Jacob’s Ladder, (Jacques Caubet, Xulon Press, USA 2004). La France, le Bébé et l’Eau du Bain (L’Harmattan 2010). La Taxe sur l’Actif Net ou Impôt Progressif sur le Patrimoine Dormant (L’Harmattan 2016) et nombreux articles et conférences ; Rapporteur du comité ‘Innovation industrielle’ dans la Commission CNPF pour le Développement Industriel, présidée par François Dalle, (1979-81), dont le rapport avait été demandé par Raymond Barre, alors Premier Ministre ; Rapporteur, Commission Nationale pour l’Innovation nommée par G. Pompidou (Commission Barthalon, 1967-71) ; Président (1988-2001) d’une section USA des Conseillers du Commerce Extérieur de la France ; Président Commission Marketing, puis Président, de l’Alliance Française d’Atlanta (2004-2009) ; Président-fondateur du Comité Bastille en 2006 ; Enseignant Georgia Institute of Technology Evaluation Compétitivité Stratégique des Industries Manufacturières (1994-2001) ; Pilote privé FAA (ASEL-IFR) ; Membre (fauteuil 26) de l’Académie des Hauts Cantons

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