Si les sociétés occidentales veulent surmonter les défis des deux prochaines décennies, elles devront mettre en œuvre trois révolutions et faire passer la morale des devoirs devant celle des intérêts. Ces révolutions devraient être fiscales, sociétales et solidaires.
Révolution fiscale
Pour réduire les inégalités, lutter contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale, pour financer également la transition écologique, il est urgent de modifier profondément la fiscalité en France et en Europe. Celle-ci, comme le propose maintenant depuis dix ans le Comité Bastille, (soutenu par des centaines d’économistes, de fiscalistes, de chefs d’entreprises, et de personnalités diverses européennes) devrait supprimer les impôts sur les revenus (IS et IR) la taxe foncière et l’impôt sur les successions, éliminant ainsi l’intérêt des paradis fiscaux qui soustraient des centaines de milliards aux économies de nos pays (près de cent milliards pour la France). Cette réforme permettrait alors dégager des ressources indispensables (cent milliards d’emprunt sur dix ans) pour financer la transition écologique. Ces suppressions d’impôts sont compensées au milliard près par l’IPP, impôt progressif sur le patrimoine, qui concernera la moitié des contribuables en France, allégera la fiscalité pour les moins nantis et l’alourdira pour les plus aisés.
Révolution sociale
Les économistes du 20ème siècle, expliquaient, avec raison, que le progrès détruisait des emplois mais en créait par ailleurs, ainsi l’économie et la croissance s’en trouvaient-elles confortées.
Les économistes du XXIème ne sont plus unanimes sur ce point et certains pensent désormais que les évolutions technologiques, I Tech et Bio Tech, notamment fabriqueront, dans un avenir proche, davantage d’inutiles que d’actifs.
Or l’inutilité pour un humain, quoi de pire ? Sans compter que celle-ci conduirait, sans évolution sociale profonde, à développer la misère dans tous les pays, riches ou pauvres.
Il est de plus en plus question du revenu universel, c’est une piste, mais est-elle porteuse de sens ? Peut-on imaginer, si l’économie d’un Etat en a les moyens, de créer une classe de citoyens, certes à l’abri des besoins essentiels, mais pour une vie d’assistés, sans travail assuré ? La liberté n’existe pas pour quelqu’un s’il ne trouve pas son utilité sociale.
Il faudrait songer davantage à un système plus responsabilisant, offrant les services de base, mais pas de ressources financières : éducation, formation continue, santé, transports, logement. Les citoyens gardant la responsabilité et la liberté de choisir leur activité. Les richesses produites devraient pouvoir assumer ce revenu de base. Celui-ci a pour avantage d’assurer à chaque citoyen des couvertures en moyens – une assurance citoyenne et non une aumône – de telle sorte que ce ne soit pas sous forme de subventions mais de droits acquis. Les sommes à trouver seront assises, à la fois, sur les budgets actuels pour les secteurs déjà pourvus (santé, retraites (avant la réforme par point), éducation, et pour les transports (éducation et activité professionnelle) et le logement, sur la suppression des aides multiples : allocations, familiales, aides au logement sous toutes leurs formes, et aides au chômage qui n’auraient plus leur raison d’être, allocations qui représentent au total quelques cent cinquante milliards.
Les besoins essentiels étant donc pourvus, il restera à chacun à rechercher une activité pour subvenir à ses besoins de base : nourriture, chauffage, habillement et commodités diverses (véhicules, téléphones etc.), loisirs.
La révolution solidaire
Une troisième révolution s’impose donc, celle de la solidarité, afin que chacun ait une activité et rende un service.
Les sociétés vont avoir de plus en plus de besoins de professionnels dans les relations aux personnes ( vieux, malades, handicapés) afin de remplacer les solidarités naturelles et familiales qui disparaissent, pour les multiples besoins dans les domaines écologiques, pour la formation continue, pour la sécurité intérieure et extérieure, pour une agriculture plus raisonnée, redonnant aux campagnes des centaines milliers de nouveaux travailleurs, experts en permaculture, par exemple, véritable renouveau possible des territoires, fournissant des produits plus sains, distribués plus localement et garantissant de meilleurs revenus.
La France, pour ne citer qu’elle, dispose déjà d’une forte implantation associative dans de multiples secteurs humanitaires, elle en manque beaucoup dans les secteurs de l’accompagnement et dans ceux de l’agriculture, de l’écologie, et de l’aide sociale.
La révolution solidaire signifie que la morale des devoirs doit s’imposer et notamment celle qui revient à « rembourser », en partie, les services que la nation fournit par le revenu de base. Cette révolution s’appuie sur une obligation : celle du service national de solidarité qui obligera chaque citoyenne et citoyen, à consacrer trois ans de sa vie au service de la collectivité, trois ans à répartir sur la période de la fin de la formation, le milieu de la vie, la retraite. Une rémunération minimum, à chiffrer, serait accordée au cours des deux premières périodes.
Le but est d’amortir le choc attendu de la suppression massive des emplois dans l’industrie et les services de la production et du commerce en créant un grand nombre d’emplois dans le secteur de la solidarité, emplois qui pourraient être multipliés par le choix du temps travaillé : tiers, demi ou temps plein.
Un principe enfin, pour assurer la faisabilité de ces révolutions, celui de la
Subsidiarité. Toutes les décisions, toutes les actions, tous les modes d’organisation qui ne sont pas régaliens devraient être pris au niveau le plus élémentaire : village, association, bourgade, ville, région, soustrayant à l’Etat ce qui n’est pas de son ressort. Ainsi l’implication des citoyens, élus ou non, dans la vie solidaire, rend l’Etat prestataire et non plus omnipotent, rôle qui est et deviendra de plus en plus inadapté aux temps futurs.