COMMENT LE CITOYEN SE FAIT PLUMER…
et
COMMENT FONCTIONNE LE PILLAGE DE L’HUMANITÉ ET DE LA PLANÈTE [1]
Les mille personnes les plus riches de la planète détiennent $4 trilliards d’actifs [2]. Soit presque 2% de la fortune de 7 milliards d’êtres humains. Cet enrichissement relatif et absolu, aux dépens des autres et des ressources naturelles, s’accélère depuis 1980, n’a pas ralenti depuis 2009, et compromet maintenant l’économie et l’écologie mondiales. Il n’a plus rien à voir avec la création de richesses si chère aux libéraux. Il résulte d’une escroquerie permanente appelée financiarisation.
En voici le mécanisme :
Le « monde de la finance » existe. C’est une industrie [3] qui fonctionne « à l’envers » des autres : l’industrie classique procède de la matière première achetée à la matière finale vendue, en passant par l’argent comme outil. La finance procède de l’argent (matière première) emprunté vers l’argent approprié (plus-value finale), en passant par les titres [4] qui contrôlent l’entreprise, comme outils. Ce n’est pas une société secrète. Si un jeune Jérôme Kerviel correctement diplômé [5] et formé [6] est recruté par un département de « trading » dans une banque, il entre librement dans cette industrie. Les grands sièges de cette industrie sont New York et Londres, mais aussi Boston, Singapour… Londres joue en Europe un rôle particulier, une sorte de Vatican de la finance très libre d’opérer dans l’UE. Avec le Brexit, Londres continuera-t-elle à jouer ce rôle ? Nous verrons…
COMMENT LA FINANCE S’EST CORROMPUE DEPUIS LA GRANDE DÉRÉGULATION – 1978-1991 ?
L’action que vous achetez cash 100 euros le 1er mars et revendez 125 euros le 1er juillet, vous fait faire un gain de 25 euros. Celle que vous achetez à un terme de trois mois (vous ne payerez que dans trois mois ce qu’elle vaudra alors) et revendez immédiatement 100 euros qu’elle vaut maintenant, vous en fait gagner autant si elle chute à 75 euros. Chaque fois vous pouvez vous tromper, donc prenez un risque. Mais si vous êtes de ceux qui savent d’avance qu’elle va monter ou descendre, le risque disparaît, et vous vous enrichissez aux dépens des autres qui s’appauvrissent. Cette fraude s’appelle un délit d’initiés et elle n’est pas nouvelle en soi.
Mais dans les années 1978-1991, eut lieu la grande dérégulation de l’industrie bancaire et du marché financier, partie de Wall Street, étendue à la City de Londres, à l’Europe et au monde. Le délit d’initiés est devenu permanent parce que les entreprises cotées en bourse ont profité de cette dérégulation d’alors pour commander la hausse artificielle de leurs actions. Leur équipe dirigeante conseillée par les banques et avocats d’affaires le font chaque fois qu’elles décident de racheter un certain montant de leurs propres actions dans des conditions connues des seuls initiés (Buyback). Parmi ceux-ci figurent les dirigeants eux-mêmes, qui seront récompensés du bon pilotage du délit par :
- des stock-options, le droit d’acheter au prix d’origine (bas) un lot d’actions quand leur valeur aura monté comme prévu[7], d’autant plus que les décisions de réduction des coûts(licenciements, délocalisations, etc.) auront amplifié l’encouragement à acheter l’action en hausse artificielle ;
- des salaires somptuaires et
- des « parachutes dorés » lors de leur licenciement prévu à l’avance. Ce sont des bonus exceptionnels payés au dirigeant que l’on remercie après que le cours en bourse ait suivi un cycle complet: hausse, puis baisse.
On le remercie pour quoi ? Pour avoir menti, en encourageant le marché public à acheter l’action quand il savait que son action allait finir par la faire chuter. Et on recommence avec un autre dirigeant.
En 2002, Fortune Magazine dénonce la financiarisation.
La dérégulation des banques [8] a permis à celles-ci de devenir actrices et pilotes à la fois, en ignorant les conflits d’intérêt, allant parfois jusqu’à utiliser l’épargne du public comme masse de manœuvre pour garantir indirectement ces opérations [9].
Les masses financières ainsi générées ont rendu plus facile la corruption des hommes politiques, donc la multiplication des opportunités de pillage. Un cas exemplaire : Goldman Sachs faussant les chiffres de leur audit des comptes de la Grèce [10] pour permettre à celle-ci d’entrer d’abord dans l’Union Européenne, et ensuite dans l’Euro.
La fortune de la planète [11] s’est accrue depuis deux siècles par le jeu de la Libre Entreprise innovant et prenant des risques méritoires [12]. Les entrepreneurs s’enrichissaient, mais créaient des richesses. Par contre, de 1980 à 2008, l’industrie de la finance a provoqué un gonflement artificiel de la fortune de la planète évaluée par l’ONU à 550 trilliards de dollars en 2008. En 2009, cette fortune avait diminué de 10%, à 500 trilliards. Pendant ces trente années d’appauvrissement général, l’industrie financière a récolté quelques pourcent de ces 50 trilliards disparus, soit 2 à 3 trilliards de dollars [13]… et cela continue. Cet appauvrissement a plus touché les pays ou la bourse est maîtresse : USA d’abord, Angleterre ensuite, France ensuite et bien moins l’Allemagne ou la puissance relative de l’industrie privée (Mittelstand, Volksbanks…) explique la résistance aux dieux de la finance et la compétitivité maintenant mondialement évidente.
LE REMÈDE DU COMITÉ BASTILLE
Le coup de pied dans la fourmilière par la réforme fiscale et budgétaire soutenue par une Loi dite de Discipline Budgétaire. La réforme de la société cotée en bourse. Toutes les conséquences : fin des paradis fiscaux, etc. La financiarisation peut donc être tuée dans l’œuf par notre réforme fiscale.
Notes :
- Les conditions de vie des plus démunis ont régressé à peu près partout au cours des vingt dernières années, mais à des périodes exactes, à des degrés et à des vitesses très variables d’un pays à l’autre. (Rapport PNUD, 2008). Le Comité Bastille suit l’accroissement des inégalités avec un modèle simple : croissance des plus grosses fortunes comparée à l’évolution du pouvoir d’achat moyen.
- « Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, ces banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis ». Thomas Jefferson, circ. 1805.
[1] Source principale : Managed by the Markets – How Finance Re-Shaped America, par Prof. Gerald F. Davis, Oxford University Press, 2009
[2] Classement de Forbes Magazine.
[3] Ses professions s’appellent: banques, assurances, sociétés d’investissement, gérants de fonds d’investissement, agents de change, audits, experts-comptables, conseillers juridiques et avocat d’affaires, consultants de toute sorte et les cadres dirigeants de sociétés cotées en bourse eux-mêmes…
[4] Titres de propriété, actions & obligations, contrats, instruments financiers divers y compris ceux artificiellement créés (titrisation).
[5] MBA, gestion financière et comptable. Rappelons que le marché des changes mondial prend la forme d’un réseau informatique de 6.600 institutions financières fonctionnant 24h/24, http://www.cadtm.org/Un-tour-du-village-planétaire
[6] Fonctionnement des opérations de bourse et de trading en général, modèles informatiques utilisés…
[7] Et leurs décisions de gestion, annoncées publiquement dans l’information financière, poussent le marché boursier à anticiper l’accroissement des bénéfices grâce aux réductions de coûts, fermetures d’usine, licenciements, transfert à la sous-traitance etc., donc à faire monter les cours plus vite.
[8] Notamment la fin du cloisonnement étanche entre banque de dépôt et banque d’affaires.
[9] Voir notamment les scandales autour des géants du refinancement hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac aux USA.
[10 http://lci.tf1.fr/economie/conjoncture/2010-02/goldman-sachs-a-t-elle-maquille-la-grece-5697899.html
[11] Somme de tous les actifs immobiliers, fonciers, commerciaux, industriels et financiers du monde.
[12] Mesuré surtout par l’espérance de vie. Joseph Schumpeter – Capitalisme, Socialisme et Démocratie
[13] Sous forme d’honoraires contingents, de plus-values à court terme, de stock-options, de commissions de cession diverses… Tous payés en espèces, en contrepartie d’une création de richesses virtuelle et fictive.