Le petit exploitant, que la crise actuelle pousse parfois au suicide (600 cas par an…) va pouvoir, investir, embaucher, vivre dignement, et jouer un rôle essentiel dans la conversion biocompatible de notre économie.
L’agriculture française est dans une situation paradoxale
Elle représente, avec €75 milliards de chiffre d’affaires environ (2014), 18% de la production agricole de l’UE, suivie de près par l’Allemagne et l’Italie (environ 50 milliards, voir graphique.) En 60 ans, le nombre d’exploitations a été divisé par cinq, ce qui n’a rien d’anormal : En1955, la France comptait 2,3 millions d’exploitations agricoles. En 2015, elles n’étaient plus que 450 000. La population active agricole, familiale et salariée, atteignait 6,2 millions de personnes en 1955, soit 31 % de l’emploi total en France. En 2010, cette part est tombée à 3 % avec 600 000 personnes.
Le prix de la terre cultivable augmente, poussé par la réduction de la surface cultivée au profit de l’urbanisation, et par la croissance démographique. En effet la population française grandit d’environ 0,6% par an[1], et l’industrie du bâtiment ne suit pas assez vite la croissance de la demande. D’où une augmentation générale du prix des terrains, quelle que soit leur vocation. D’après France Stratégie, les prix généraux de l’immobilier résidentiel ont été multipliés par deux hors inflation sur trente ans, soit un taux annuel de 0,47% par an.
L’avenir de l’alimentation saine favorise fortement l’agriculture bio. Mais la France, faute d’investissements,est en retard dans la conversion au bio :
seulement 4% de sa surface cultivée est convertie, contre 6% pour l’Allemagne, 7% pour l’Espagne et 8% pour l’Italie. Et ceci alors que la demande française pour les produits bio excède l’offre.
Evidemment, pour faire face à cette demande, il faut investir, et ce sont d’abord les petits exploitants qui sont concernés puisque c’est leur taille d’exploitation qui est la mieux adaptée au bio : Il demande plus de main d’œuvre et de savoir-faire en raison de l’adaptation constante des cultures aux propriétés spécifiques de la terre, et à la demande d’un marché de plus en plus local et redevenant saisonnier.
Le caractère attrayant du territoire français fait vivre une industrie du tourisme dont le chiffre d’affaires (CA) atteint 145 milliards en 2016, donc le double du CA de l’agriculture. Le tourisme représente 8% de l’emploi, et 7% du PIB. Les paysages français sont un facteur essentiel de l’attraction de notre pays pour des visiteurs français et étrangers. Ces paysages sont entretenus d’abord par l’agriculture, en commençant par les plus petites exploitations (celles dont les exploitants se suicident trop souvent…).
Elle est de première importance parce que la combinaison…
- Du potentiel et de la présence commerciale européenne et mondiale de l’agriculture française,
- Du besoin criant de rattraper le retard français dans la conversion au bio, et dans la transition énergétique,
- De la gravité mondiale du conflit en cours qui enfle, entre le monde agro-alimentaire-médical et celui de la financiarisation (Bayer, Monsanto et leurs sisters) dans le contexte de la dominance des banques systémiques et des Overseas Financial Servicesopérant à partir des paradis fiscaux (Voir Rapport Murphy et ouvrages de François Morin),
- Du besoin d’une défense coordonnée de l’énorme industrie touristique française, laquelle vend en premier lieu l’accès au paysage français,
- De la complexité parfois ubuesque de la Politique agricole Commune, et autres programmes européens comme français, de législation et régulation des marchés agricoles. En raison des contraintes réglementaires, les degrés de liberté de l’exploitant agricole n’ont plus rien à voir avec la supposée libre entreprise.
Quand la réforme fiscale dite Projet IPP sera pleinement appliquée (donc au cours d’une transition de dix ans), l’actionnaire ou propriétaire d’une exploitation agricole ne paiera ou ne collectera que les impôts suivants :
- TVA : inchangée.
- Taxes sur les carburants et autres taxes à caractère écologique ou énergétique : Inchangés, sauf si on adopte la TVA circulaire qui taxe plus le produit à fortes externalités et forte consommation d’énergie.
- IPP : Elle est due par le seul contribuable personne physique. Elle s’applique à la totalité de la valeur de ce qu’il possède moins ce qu’il doit. Elle remplace l’ISF, la Taxe Foncière et les Droits de Succession. Elle est nulle jusqu’à un Actif Net de moins de €50 000, est ensuite progressive de 1,25% à 3%. La valeur de l’exploitation agricole sera basée sur le bilan existant et pour la valeur du sol sur des barèmes aujourd’hui existants, notamment ceux des SAFER.
Sont donc abolis parce que remplacés par l’IPP
- Tout Impôt sur les Revenus donc sur les bénéfices avant impôts de l’exploitation, et les impôts assimilables, tels que taxes sur le chiffre d’affaires ou les salaires si applicables ; et sur les revenus personnels de l’exploitant comme de ses salariés.
- La taxe foncière, ce qui est très important aujourd’hui pour l’exploitant agricole. Aujourd’hui elle est due quelle que soit la rentabilité de l’exploitation, son niveau d’investissement et son endettement. Tandis que l’IPP due tient compte de l’endettement (seul l’actif net de dettes est taxé), de l’investissement (le cash disponible paye l’IPP au taux normal ; si ce cash est investi la valeur liquidative de l’investissement achevé commence par chuter fortement…)[2] et de la rentabilité dans la mesure ou une rentabilité faible ou négative justifie que l’exploitant déclare un chiffre inférieur de son actif.[3]
- Les droits de succession. Cette abolition veut dire qu’il est libre de faire donation avant hoirie de son bien, donc de diluer l’assiette de l’IPP due entre lui et ses héritiers ou autres personnes, ses salariés par exemple.
Il y a plus important
L’exploitant agricole aura accès aux financements à très long terme (30 à 100 ans, sous forme de fonds propres, prêts subrogés et autres fonds permanents) de la Banque Publique d’Investissements, elle-même gérant le grand emprunt de mille milliards sur dix ans que l’abolition de l’Impôt sur tous Revenus rend possible.
Vu la contribution de l’Agriculteur au paysage donc aux recettes touristiques, il devient facile et possible à la fois de lui accorder une franchise de l’IPP au-delà des 50 000 euros de base. Elle pourrait être établie à partir d’un indice tenant compte du chiffre d’affaires du tourisme par rapport à la surface cultivée sur le territoire du canton ou de la communauté de communes… Comme il apparaitrait alors quantitativement que la Provence, la Bretagne, les Cévennes ou l’Aveyron sont plus attractifs que la Beauce ou la Brie, cet indice de recettes touristiques viendrait automatiquement aider le petit exploitant sans même qu’il ait eu besoin de remplir et soumettre un dossier.
[1] Rappelons le Désert français : La diagonale qui traverse la France entre les Ardennes et le milieu des Pyrénées a une densité de population de 40 à 50/km2. Et son paysage n’est pas celui d’un désert.
[2] C’est particulièrement le cas pour l’investissement forestier qui n’arrive à la rentabilité qu’au bout de 50, 70, 100 ans suivant les espèces.
[3] Rappelons que dans le Projet IPP, l’Actif Net est entièrement déclaratoire – C’est le contribuable qui est libre d’estimer raisonnablement la valeur de son actif sans aucune justification a priori autre que celle qu’il juge bon d’ajouter – et contradictoire – c’est une inconsistance entre son bilan d’aujourd’hui et son bilan du passé qui seule peut provoquer un contrôle du fisc.