La TMM est correcte sous certaines conditions, que le projet Impôt sur le Patrimoine Passif du Comité Bastille respecte. Elle permet d’harmoniser notre langage avec celui généralement accepté des économistes universitaires, surtout ceux appelés hétérodoxes, et quelque fois atterrés. Cette théorie nous est donc très utile. Elle est très populaire chez la gauche du Parti Démocrate : Bernie Sanders, Elisabeth Warren et Alexandria Ocasio Cortez. Stephanie Kelton et Ray Dalio, économistes qui la soutiennent, sont évidemment très critiqués par les néolibéraux, mais reconnus comme sérieux et influents.
Ce que nous appelons le Projet IPP entre dans MP3, c’est-à-dire le troisième des scenarii de politique monétaire (Monetary Policy) identifiés entre autres par Ray Dalio, dits MP1, MP2, et MP3. Ray Dalio est un économiste très connu et controversé mais en même temps dont le succès n’est pas à discuter parce qu’il a été le fondateur en 1975 du hedge fund Bridgewater Associates. Vous trouverez ici une discussion en anglais de tous les scénarios énumérés par Ray avec liens aux textes de Ray, par John Mauldin, analyste financier et auteur du blog mauldingeconomics, qui connait très bien Ray mais ne le suit pas au bout de ses raisonnements parce que lui, John, est resté un néolibéral (comme disait Landru, on ne se refait pas), quoique du genre le plus évolué.
Le scénario MP3 de la TMM
En bref, le scénario MP3 se distingue par :
- La coordination des politiques monétaires et fiscales. (comme propose le projet IPP : Appel à l’épargne pour investir, stimulé par la fiscalité)
- La monétarisation de la dette, par rachat de celle-ci, comme en MP2 et
- L’encouragement fiscal de l’Investissement (ITLT dans le projet IPP) plutôt que de la consommation, mais
- L’encouragement de la dépense des acteurs économiques (dans le projet IPP en supprimant tous les Impôts sur les Revenus) et
- Agir directement sur le pouvoir d’achat des plus modestes, par des politiques appelées helicopter money. (Image de l’hélicoptère envoyant des jets de billets de banque dans les rues). En pratique dans le projet IPP un Revenu Universel d’Existence (RUE) qui soit vraiment universel et qui ne rémunère vraiment que le fait d’exister.
- Une stimulation très énergique du crédit bancaire. Dans le projet IPP, la BPI seule assume le risque du crédit des ITLT qui portent sur 30 à 100 ans à des taux minimaux et les banques ne font plus que l’instruction des dossiers de crédit. Les Fonds Permanents injectés sous forme d’Investissements à Très Long Terme (ITLT) constituent aussi une forte incitation des crédits bancaires classiques.
- Le découragement de l’épargne liquide qui dort (dans le projet IPP elle paye l’impôt sur le patrimoine). Les taux d’intérêt peuvent même devenir négatifs, sauf si vous investissez votre épargne… sous forme d’ITLT dans le projet IPP.
La TMM en général est déjà pratiquée sous les formes MP1 et 2 depuis que des années de pratique de l’Assouplissement Quantitatif (Quantitative Easing), consistant à baisser à l’extrême les taux d’intérêts (MP1) et à laisser filer la masse monétaire (MP2), ont démontré que, contrairement aux enseignements des économistes classiques, elle n’a pas réveillé l’inflation.
La valeur de la monnaie se base sur une croyance
Maintenant la grande controverse soulevée par les campagnes de Bernie Sanders et Alexandria Ocasio Cortez vient de ce que ceux-ci emploient un nouveau langage pour définir une monnaie fiduciaire, c’est-à-dire fondée sur la seule confiance contrairement à la monnaie métallique (Étalon Or). Reprenant l’argument que nous avons déjà développé dans notre projet, ces politiciens et leurs économistes considèrent que, dans la réalité, nous pratiquons l’étalon-dette.
La monnaie serait-elle devenue la dette elle-même ? Non. Tout se passe comme si la monnaie serait garantie par tous les actifs de tous les emprunteurs du monde, puisque c’est sur la garantie de ces actifs que les prêts leur sont consentis : des actifs gagés ou servant de caution sous des formes contractuelles diverses. Ceci en faisant confiance à tous les débiteurs pour payer leurs dettes. Une confiance qui n’est plus fondée sur un or dont vous pouvez empocher une pièce, ni sur une banque centrale qui peut sur demande vous échanger votre monnaie contre la monnaie de réserve, mais fondée sur la probabilité d’un évènement futur, celui quand les débiteurs se seront acquittés. Un évènement qui s’est produit tous les jours de nos vies… jusqu’à présent.
La dette doit être basée sur l’économique réelle
Alexandria Ocasio Cortez, ne lisant pas toujours jusqu’au bout les travaux de son économiste Stephanie Kelton, en conclut que le déficit budgétaire n’a pas d’importance et qu’on peut le laisser filer autant que de besoin pour investir et en général relancer l’économie. Ce n’est pas du tout ce que nous disons.
Il reste immuable que le déficit du budget (national ou européen) peut augmenter à la condition que son montant soit compensé par une création de richesses réelles. Quand vous achetez une maison avec un prêt hypothécaire, la valeur de la maison (son prix au moment de l’achat) doit être supérieure au montant du prêt. Traduction : Un déficit de 5%, mettons 100 milliards sur un budget de 2 000 milliards, doit correspondre à des investissements annuels d’au moins 100 milliards. Voir http://comitebastille.org/les-itlt-cest-quoi/
La raison pour laquelle Alexandria Cortez et Stephanie Kelton croient possible de faire tourner la planche à billets (disons aujourd’hui la planche à crédits) et courir les déficits sans limitations est qu’elles n’ont pas encore assimilé les privilèges du dollar US mis en place en 1944-45 à Bretton-Woods et autres lieux. L’Amérique avait pu imposer au monde ce role unique du dollar, à la fois monnaie de réserve servant d’unité de référence pour toutes les autres, et monnaie dont la masse monétaire était fixée par la seule banque centrale US, le Federal Reserve System. Bien entendu ce système léonin a permis à l’Amérique de s’endetter avec bonne conscience. Cela ne durera pas toujours.
André Teissier du Cros et Clément Carrue