Mille milliards pour engager la conversion biocompatible de la France dans le contexte du changement climatique, c’est possible. Cela crée 3 millions d’emplois.
…pas d’ITLT, donc pas de conversion verte de l’économie, donc pas de création d’emplois et scepticisme de l’Allemagne et de Bruxelles assuré.
Les ajustements fiscaux envisagés pour 2018 par le tout nouveau gouvernement formé par La République En Marche (REM) contiennent quelques bonnes choses, deux très mauvaises et un piège. Quel dommage, alors qu’il est légitimement porté par une grande vague d’espoir.
Est-il encore temps de réagir ?
Le piège d’abord. Nicolas Hulot,rompant avec ses refus passés de jouer avec la politique, a accepté un grand ministère de l’environnement. Il a l’audience et le crédit lui permettant d’engager la bataille pour la sortie graduelle mais ferme du nucléaire et pour l’arrêt du projet d’aéroport de Notre Dame des Landes. Ce projet est l’emblème de la politique passée favorisant la tonne de béton et le baril de kérosène au détriment des écosystèmes. C’est là sa grande et dernière chance – et de tout cœur nous lui souhaitons bonne chance – de fortement influencer le grand virage, la conversion biocompatible de l’économie française comme dit Corinne Lepage, avec la formidable création d’emplois qu’entraînera ce virage.
Car pour financer ce grand virage (transition énergétique intégrant le stockage d’énergie, agro-sylviculture[i] et agriculture bio, mobilité électrique, reconquête de l’eau fraiche, habitat énergétiquement neutre, adaptation au changement climatique, plus numérisation, formation et R&D accompagnant le tout) nous démontrons qu’il faut investir à très long terme (30 à 100 ans) cent milliards par an pendant dix ans. Nous créons alors trois millions d’emplois directs[ii].
Mais bien entendu un tel objectif ferait bondir Bruxelles : Que deviendrait le déficit budgétaire, dont l’objectif de 3%, rarement atteint, n’a pas été respecté depuis 2007 ?
Or il est possible de satisfaire Bruxelles, et Wolfgang Schaüble qui veille derrière.
Il faut…
Il faut que la nouvelle Assemblée Nationale vote dès Juin prochain la Loi de Discipline Budgétairequi donne au Conseil Constitutionnel le même pouvoir de veto qu’ont la Cour Administrative de Karlsruhe en Allemagne, le Conseil Financier Fédéral en Suisse, et autres pays exemplaires. Cette loi imposera un déficit non pas simplement limité à 3%, mais excluant dans sa définition les dépenses d’investissements à très long terme qui viennent s’ajouter légitimement à l’actif du pays[iii],et ajustant ce déficit en tenant compte de l’accroissement de population[iv]. Cette loi précisera que les investissements en Fonds Permanents (actions privilégiées, prêts bonifiés et subrogés à plus de trente ans) financés par les souscriptions de résidents français (par l’intermédiaire de la Banque Publique d’Investissements) ne seront pas pris en compte puisqu’il s’agit d’engagements à risque des Français envers leur propre économie, ne mettant pas en cause des bailleurs de fonds institutionnels étrangers[v], suivant ici l’exemple du Japon[vi].
Mais pour que les Français souscrivent à un tel programme d’investissements, il faut qu’il soit plus attractif que le sont les Livrets A et similaires, et rapportent au moins 1,5% de plus qu’eux. Or ceci est parfaitement possible si on s’engage dans l’abolition progressive de l’Impôt sur les Revenus sous toutes formes, car alors la rentabilité est libre d’impôts sans considérations de plafonds, tandis que mille milliards d’investissements en dix ans, mobilisant trois millions d’emplois nouveaux, représenteront une relance de l’économie[vii] telle qu’aucun analyste financier n’ose la prévoir en ce moment.
Mais soyons constructifs et comparons les propositions actuelles du programme d’En Marche! avec le projet IPP que nous perfectionnons depuis 2010.
EM réduit légèrement, à 25%, l’Impôt sur les Sociétés, ce qui va dans le bon sens. On pourrait cependant viser de descendre au niveau polonais (15 à 19%) ou irlandais (12,5%) sans que Bruxelles ne trouve rien à y redire. Mais rappelons en passant que l’entreprise française, dont la valeur ajoutée est la plus taxée d’Europe, sera simplement un peu moins taxée sans perdre ce rang.
EM ne touche pas à la TVA. C’est bien. La TVA encourage l’épargne et l’investissement. Mais on lui reproche justement de défavoriser les contribuables les plus modestes. C’est pourquoi nous proposons de le compenser par un large impôt progressif sur le patrimoine de plus de 50 000 euros, de 1,25% dans la grande majorité des cas, variant jusqu’à 3%, dit Taxe sur L’Actif Net des personnes physiques.
EM allège de 20 milliards les charges sociales chômage et maladie, ce qui aide l’entreprise, l’entrepreneur et le salarié. C’est bien. Mais pour ce faire, il augmente la recette de la CSG de 27 milliards, augmentation qui sera surtout supportée par les retraités aux revenus supérieurs à 14 375 euros (célibataire) ou 22 050 euros (couple). Rappelons que la CSG est un impôt non progressif sur le revenu des personnes physiques s’ajoutant à l’IRPP principal qui, lui, est progressif. Nous disons ici clairement que c’est à l’ISF qu’il fallait demander ce complément de recette, et surtout pas à l’impôt sur le revenu quel qu’il soit. Rappelons que le Projet IPP abolit progressivement tout impôt sur le revenu et fusionne l’ISF, la Taxe Foncière et les Droits de Succession en une seule Taxe sur l’Actif Net. Notre modèle montre que la recette de l’IPP peut débuter en 2018 à un niveau de 60 à 80 milliards pour atteindre 230 milliards en 2028.
EM abolit la Taxe d’Habitation pour 80% des contribuables les plus modestes. Nous disons que c’est une erreur.C’est l’ensemble IRPP-CSG-CRDS qu’il faut abolir, ce qui soulagera bien plus efficacement les futures classes moyennes. Les collectivités ont besoin plus que jamais de la Taxe d’Habitation pour une gestion décentralisée et cette Taxe correspond en fait à des services locaux effectivement fournis par celles-ci, donc vérifiables et négociables sur place par les assujettis, notamment les entreprises. Réformer cette taxe, oui car elle est injustement répartie. Mais la supprimer, non.
EM veut limiter l’ISF à la taxation du patrimoine immobilier, sous prétexte qu’on taxera plus la rente que l’investissement productif. Le raisonnement est faux, et fondé sur des préjugés balzaciens. Il peut y avoir des rentes, des gains spéculatifs et des investissements créateurs de richesse dans les deux cas. Nous maintenons que la seule réforme qui combine l’équité et la relance de l’économie est la fusion ISF-Taxe Foncière-Droits de succession en une seule Taxe sur l’Actif Net, et qu’elle peut rapporter non seulement les 25 à 30 milliards que cherche le nouveau gouvernement, mais aussi les augmentations de budget nécessaires en 2018 pour l’Education, la Défense, la Santé, la Justice, la Sécurité… Je les ai déjà évoquées dans ma lettre à Gérard Larcher.
[i] Agro-sylviculture : afforestation favorisant les agricultures symbiotiques avec la forêt et les écosystèmes participant à celle-ci au lieu de les détruire ou de les empêcher.
[ii] Auxquels s’ajoutent comme toujours les emplois induits par les emplois directs. Voir le détail p. 156 à 160 de notre Livre Blanc La Taxe sur l’Actif Net ou Impôt Progressif sur le Patrimoine Dormant.
[iii] Les règles comptables pratiquées en Europe à propos de contrôle de la dette et du déficit considèrent qu’endettement égale appauvrissement. Or c’est faux quand l’endettement sert à financer de nouveaux actifs durables. Si vous empruntez cent mille euros pour acheter une résidence dont le prix est supérieur á ce chiffre vous ne vous êtes pas appauvris, au contraire. Mais vous sous êtes endettés.
[iv] Il s’agit exactement de l’accroissement de population non encore retraitée, donc active ou qui sera active dans un avenir prévisible.
[v] Avec l’avantage supplémentaire, donc, d‘échapper á l’influence de la financiarisation mondiale contrôlée par les banques systémiques. Voir Prof. François Morin – L’Hydre Mondiale – L’Oligopole Bancaire, Ed. Lux 2016.
[vi] Dont la dette totale atteint 250% du PIB – contre 95% pour la France – sans compromettre les grands équilibres du pays.
[vii] De l’économie française mais aussi européenne. Ces investissements comprendront par exemple beaucoup d’ingénierie, d’équipements lourds, de machines, qui viendront de toute l’Europe.