L‘année passée laisse un goût amer. L’année 2019 nous offre toutes les chances.

Les États-Unis sombrent un peu plus chaque jourdans le chaos politique et Wall Street dévisse à des rythmes qui rappellent les signes avant-coureurs d’Octobre 1929. Pas un texte de protection de l’environnement qui ne soit remis en cause, pas une taxe qui ne voit son taux marginal rabaissé, pas une décision de politique soit intérieure, soit étrangère qui ne divise la vacillante Internationale des Démocraties au profit des régimes autoritaires ou totalitaires.

La Chine est forte maintenant et le fait savoir. La guerre commerciale avec les États-Unis tourne à son avantage et elle se presse de développer un marché intérieur seule planche de salut de sa croissance. Elle assure une répression et un contrôle sans faille sur tout individu qui oserait la défier, même à l’étranger. Elle assoit son soft power sur la Belt and Road Initiative. Bref, elle a une stratégie que l’Amérique n’a plus et que l’Europe n’a pas encore.

Avec la Belt and Road Initiative, la Chine prouve qu’elle a une stratégie.

L’Afrique se fait piller un peu plus chaque jour.La traite négrière n’est plus nécessaire, les forces vives du continent s’en vont d’elles-mêmes pour devenir nos esclaves modernes. Leurs matières premières sont toujours achetées au rabais en enrichissant quelques intermédiaires, dont leurs dirigeants au passage, à travers les entités virtuelles qu’ils contrôlent légalement dans des paradis fiscaux.

Le monde arabe vacille.Le printemps arabe s’est traduit par des impasses politiques ou par le renforcement des régimes autoritaires de la région, aire de jeux préférée des grandes puissances pour régler leurs comptes à distance. Le cours du pétrole est promis à d’autres chutes et leurs dirigeants le savent. Assurer le lendemain des énergies fossiles engendre une instabilité sans précédent.

L’Amérique du sud retourne à ses vieux travers.Entre révolution bolivarienne utopiste et finissant dans le sang et le retour en grâce des militaires proto-fascistes, la fuite de sa jeunesse et de ses diplômés n’est pas près de s’arrêter, bien au contraire.

Et l’Europe et la France dans tout ça ? Vont-elles continuer à en appeler à leurs vieux démons? Les extrêmes font leurs grands retours, légitimés par la rhétorique anti-gouvernementale, anti-libérale et anti-Europe. La faute à qui ? 40 ans de politique néo-libérale et de monétarisme économique ont irréversiblement déplacé la consommation vers le crédit, l’endettement des États et des citoyens. Les décideurs attendent passivement que le poids de la dette totale devienne insoutenable. Et tout cela non pas parce que nos économies s’appauvrissent, mais seulement parce que l’enrichissement très réel a profité uniquement à une poignée de gens. Les Gilets Jaunes ne semblent être que la « Journée des Tuiles »en comparaison avec ce qui nous attend si nous ne changeons pas de cap.
Alors que le monde n’a jamais été aussi riche, où est l’argent ? Le Shadow banking est la seule activité depuis près de 70 ans à n’avoir jamais connu de crise, le crime paie toujours dès que les autorités sont complices. Le Tax Justice Network estime la fortune totale gérée incognito, sans existence officielle, en dehors de toute fiscalité à partir des paradis fiscaux et sous forme entièrement financiarisée, entre 21 et 32 trilliards de dollars. Rien n’apparaît dans les actifs publiés des six premières banques françaises qui représentent à ce jour 8 725 milliards d’euros, soit 3,8 fois le PIB de la France. Le total des actifs qu’elles gèrent a progressé de plus de 40 % depuis 2005 et leur rentabilité s’est maintenue.
Toutes ces autorités financières complices du pillage fiscal le sont en même temps de la destruction de notre environnement.Le gouvernement Hollande avait enterré le rapport de 2014 sur les énergies renouvelables de l’Ademe. Le gouvernement Macron n’a vu aucune contradiction entre taxer les plus pauvres et les moins pollueurs de notre société, et en même temps balancer son budget à la suite de ses cadeaux fiscaux aux plus fortunés.
Nous pourrions nous démotiver, nous dire qu’il est trop tard,que nous n’y arriverons jamais, que c’est la bataille du pot de terre contre le pot de fer… Et pourtant, nos idées n’ont jamais autant été d’actualité. L’observation de la croissance des inégalités est pratiquée maintenant par les Nations Unies, par l’OCDE, par l’Observatoire des Inégalités et bien d’autres.  ATTAC et le Tax Justice Network, avec qui nous échangeons, ont de plus en plus d’influence. Ce dernier est une organisation mondiale de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale dont nous avons dès 2008 utilisé le bien connu Rapport Murphy à la Chambre des Communes sur le rôle destructeur des paradis fiscaux. Nos détracteurs, une fois toutes leurs questions répondues, disparaissent.
2019 sera certainement une année où toutes les alertes politiques vont retentir : les élections européennes annoncent déjà la victoire des extrêmes droites et le gouvernement français a déjà promis de maintenir le cap decidé en 2007 contre toute logique. Messieurs Macron, Hollande et Sarkozy, un simple exemple qui n’a pas son pareil dans l’Europe de l’austérité, le Portugal. De la quasi faillite en 2011, le voilà avec une croissance de 2,7 %, suite à une politique de la relance : augmentation des salaires, des retraites et des allocations, réductions du temps de travail des fonctionnaires (pour atteindre nos 35 heures, oui c’est possible, nous ne sommes plus les seuls !), augmentation des impôts des plus riches, baisse des impôts des classes moyennes et populaires… Enfin bref, une politique néo-keynésienne, ce « machin » de l’économie politique qui a fonctionné pendant plus des décennies pour tous, au contraire de la politique néo-libérale prônée par vos gouvernements qui n’a marché que pour le 1 %. Faut-il préciser que la prouesse portugaise a été corrélative à l’avènement d’un mix énergétique ayant atteint plus de 100 % d’énergies renouvelables ? Les vœux présidentiels viennent de tomber, il semblerait que l’entêtement continuera, maintenir le cap du navire France voguant sur une terre plate vers la fin du monde. L’Allemagne va-t-elle s’entêter aussi, encore et toujours dans la politique anti-inflationniste et la définition d’un euro au seul profit à court terme de son économie. Le Royaume-Uni s’entêtera-t-il aussi, encore et toujours, à scier la branche sur laquelle il est assis au lieu d’appliquer enfin ses propres institutions : Vote du parlement, décision alors d’un second référendum si impossibilité d’un accord ?

Ce sont toutes ces alertes que le Comité Bastille doit saisir collectivement, pour prouver à autant de gens que nous le pouvons qu’un autre système existe, que le modèle d’État providence européen peut être réformé de façon à réconcilier l’emploi, l’investissement et une conversion verte compatible avec une mondialisation transparente et fiscalement responsable. 2019 est une année de combat face aux extrêmes, à la pensée économique orthodoxe (il est toujours étrange de constater que l’orthodoxie n’est une vertu qu’au sein de l’économie), aux gouvernements complices et à tous les renoncements écologiques. C’est à nous d’y croire, c’est à nous de nous battre, c’est à nous avec résolution, bonhomie et pédagogie de traduire un modèle complexe en réalité palpable par le plus grand nombre.


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