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La réponse est Oui, mais progressivement et … 

Pas sans loi imposant souverainement la discipline budgétaire;

Ni sans une grande relance de l’économie par une réforme fiscale beaucoup plus ambitieuse, rendant possible un appel massif à l’épargne des Français; 

Enfin cela dépend à quel niveau situer ce RUE. 

Voir l’état actuel de la proposition de la Fondation Jean Jaurès (FJJ), dont nous recommandons la lecture intégrale car les arguments fondamentaux justifiant le principe même d’un RUE sont remarquablement bien présentés.

Pour notre part, résumons ces arguments en disant simplement qu’ils reconnaissent comme dépassé le double principe : 

Tout travail mérite salaire

Et 

C’est un devoir de travailler pour vivre, de « gagner » sa vie

Nous avons compris que le travail bénévole est essentiel, et que l’activité de chaque individu en dehors d’un travail rémunéré est déjà une contribution positive au patrimoine comme à l’harmonie sociale.[1]

Jusqu’à plus ample informé, nous continuons donc à soutenir le projet initial d’Allocation Universelle sur lequel Marc de Basquiat avait soutenu une thèse avec succès, et qui inspire manifestement cette proposition de la FJJ:


RUE de 480 EUR par mois pour tous adultes de tous âges, sexes et conditions, et la moitié pour les enfants; 

Remplacement de tous impôts sur les revenus par une contribution fixe de 23% de tous les revenus des personnes physiques, laquelle est donc entièrement redistribuée ; pas un euro de cette contribution ne va à l’Etat, à la Sécu, à la Région, au Département ou aux Collectivités… Les cent euros payés par vous, lecteur de ces lignes (si vous êtes fiscalement résident français), vont entièrement dans la poche des concitoyens et résidents français, et chacun d’eux contribue de même ;

La somme totale des revenus fiscaux des impôts sur les revenus abolis est assurée par une grande Taxe sur le Patrimoine (ou Actif Net) remplaçant elle-même la Taxe Foncière, et l’Impôt de Solidarité sur la Fortune. La Fondation Jean Jaurès a l’amabilité de l’appeler Impôt unique sur l’Actif Net (net de dettes bien sûr). Mais icet impôt n’est pas unique dans leur proposition : les Droits de Succession, que nous proposons aussi d’abolir, sont maintenus. 

La cependant nous pensons que le FJJ commet une erreur : Le contribuable doit pouvoir être libre de doublement diluer la TAN due (assiette et taux plus bas tous les deux) en faisant des donations à ses enfants et sa famille. C’est en outre une iniquité : L’épargnant investisseur qui va désormais payer chaque année un impôt plus lourd sur son patrimoine élargi doit avoir le droit de transmettre ce qui lui reste à ses descendants

Autre erreur : La FJJ parle d’une taxe générale sur l’Actif Net des personnes physiques et des entreprises. Non ! Cette réforme fiscale doit être l’occasion de commencer à libérer l’entreprise de l’impôt. Son rôle est de créer des richesses, des emplois, et d’innover.

Mais passons pour l’instant.

Marc de Basquiat a toujours dit que l’établissement d’un RUE n’était possible que progressivement, par exemple sur 10 ans comme l’est l’ensemble du Projet TAN. Continuons.

Dans une France comptant 3,5 millions de chômeurs, le RUE va apporter un soulagement pour les moins favorisés que la FJJ explique bien.

Mais ce n’est qu’un soulagement. Le RUE ne va pas beaucoup réduire le chômage, et le fera en facilitant beaucoup le bénévolat (ce qui est une bonne chose…)

Pour le réduire, il faut créer environ trois millions d’emplois.

Il ne faut pas les créer en augmentant simplement la consommation. Il faut les créer par l’investissement productif dans les industries dont notre pays a besoin : transition énergétique, adaptation au changement climatique, conversion biocompatible de l’économie. A une époque où plusieurs centaines d’agriculteurs se suicident chaque année, et précisément ceux dont on a le plus besoin pour développer une agriculture bio et rattraper notre retard sur l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne, l’urgence de ces investissements est évident. Cette création se passera au début de la transition quand des entreprises existantes recrutent, et ensuite quand de nouvelles entreprises se créent.

Nous estimons[2] qu’avec un emprunt auprès des Français de cent milliards par an pendant dix ans on crée trois millions d’emplois et on ajoute environ deux points à notre PIB, profitant surtout aux activités et emplois locaux. Mais il faut trouver l’argent.

Or l’argent, nous l’avons : L’épargne liquide ou quasi-liquide des Français s’élève à un peu plus de mille cinq cent milliards, alors que notre patrimoine total, dit l’INSEE, a encore augmenté, de douze mille six cent milliards en 2014 à treize mille six cent milliards aujourd’hui. La France s’est enrichie de mille milliards en deux ans ! Pourquoi ne passons-nous pas à l’action ?

Il y a trois raisons à cela, que par exemple Michel Sapin donnerait :

Même si ce sont des Français qui, par leur épargne, financent des investissements français, leur souscription vient alourdir la dette française totale, laquelle est déjà très lourde.Vrai ? Faux ?

Le budget français est en déficit depuis 1975 environ. Nous devons d’abord maitriser le déficit, ensuite seulement faire des investissements.Vrai ? Faux ?

La dette française n’a fait qu’augmenter depuis des décennies. Il faut absolument la réduire. Vrai ? Faux ?

Tenez-vous bien : Ces trois réponses sont fausses, ou presque.

L’endettement des nations est mesuré généralement par le ratio Dette publique/Produit Intérieur Brut (PIB). C’est comme si on mesurait votre propre endettement par le ratio de vos dettes à votre revenu. Il est intéressant parce qu’il permet de vérifier que vous pouvez en supporter le service (remboursement principal et intérêts) de votre dette. Mais le vrai endettement, c’est le ratio de toutes les dettes – publiques et privées – de la nation, comparé à la richesse total – le patrimoine total – de l’Etat, des collectivités, des entreprises, des institutions financières et des particuliers. Or tandis que notre dette augmente, notre patrimoine augmente aussi. En fait il grandit régulièrement, en moyenne deux fois plus vite que notre PIB. Pourquoi ?

Parce que les prix de l’immobilier augmentent. Or il représente un peu plus de 60% du patrimoine privé ;

Parce que le prix des terres agricoles augmente malgré la crise, pourquoi ?

Parce que les Français épargnent, notamment dans l’assurance-vie ; 

Parce que les entreprises thésaurisent et réduisent leur endettement, par manque de perspectives de croissance et crainte pour l’avenir : elles ne s’endettent que pour investir, et n’investissent que lorsque la croissance est sure ;

Et enfin parce que la population grandit.

Enfin ajoutons que, en 1975 quand la dette a commencé à augmenter par rapport au PIB, elle était alors à son niveau le plus bas depuis 1815. Nos gouvernants pouvaient voir venir…

D’accord, dira-t-on, mais si les Français mettent leur épargne au travail en l’investissant dans le très long terme, ce sera quand même un accroissement de la dette.

Oui… et non.

Pour qu’il y ait dette, il faut qu’il y ait prêt. Si l’investissement prend la forme d’un investissement en fonds propres et fonds permanents[1]dans des entreprises qui, grâce à cet apport, peuvent obtenir des crédits commerciaux courants, alors le surplus d’endettement ne viendra surtout que de la part du crédit bancaire courant induit pr ces nouveaux fonds permanents, tandis que l’effet global sur l’activité sera une croissance supplémentaire qui facilite le service de la dette.

Mais c’est là que MM. Mario Draghi, Directeur de la Banque Centrale européenne, et Wolfgang Schäuble, Ministre des Finances allemand, vont présenter une objection ancienne, correcte, et très forte :

On vous connait, vous les Français, diront-ils. Dès que votre économie marchera mieux, vous recommencerez à laisser filer votre déficit et à augmenter votre pression fiscale qui est déjà bien trop forte !

Oui. Et c’est pourquoi nous devons pouvoir leur répondre : Vous aviez raison. Mais maintenant, comme vous et les autres nations sérieuses de la planète, nous avons voté une Loi de Discipline Budgétaire dont l’application, brutale s’il le faut, sera confiée à notre Conseil Constitutionnel, autorité souveraine donc indépendante du pouvoir exécutif. Celui-ci, saisi par la Cour des Comptes (dont les rapports serviront enfin à quelque chose…), mettra son veto à tout dépassement d’un budget, y compris quand ce dépassement sera prévisible.

Mais alors, dira-t-on, vous condamnez la France à l’équilibre budgétaire !

Pas du tout. Le déficit sera indexé sur les investissements à très long terme et sur la croissance de la population non encore retraitée.

Cependant, dira-t-on, les Français vont tout de même devoir payer une contribution de 23% de leurs revenus. Comme c’est obligatoire, ce sera quand même un impôt sur le revenu. 

Corrigeons: 23%, moins le RUE, moins l’IRPP-CSG payé précédemment. En 2017, il est de 14% à partir de €9 710 par an, de 30% entre €27 000 et 72 000 puis de 41% et puis 45% pour les tranches suivantes. Faites le calcul et vous verrez que la France et les Francais s’en tirent à très bon compte.


André Teissier du Cros


[1] Fonds permanents égale fonds propres plus dette à très long terme. 

[1] S’il y a parmi nos lecteurs d’ardents défenseurs des vertus du travail, j’en appelle à ceux qui comme moi ont cherché leur premier emploi entre 1960 et 1970. Ce fut mon cas en Mars 1963 quand j’eus fini mes études. Il me fallut trois jours non pas pour trouver un emploi mais pour choisir entre trois emplois qui m’étaient déjà offerts! Que répondre à un jeune qui ne trouve pas de travail et nous dit que si nous avons trois millions et demi de chômeurs ce n’est certainement pas de sa faute?

Et s’il y a parmi nos lecteurs des conservateurs chrétiens qui ne sont pas d’accord, je les renvoie à Matthieu 25/31-40, texte fondamental avec lequel Musulmans, Juifs, Bouddhistes et autres croyants en une dimension transcendantale de la Vie sont tous d’accord.

[2] L’estimation est à votre disposition. Nous contacter par le formulaire de contact.

Auteur/autrice

  • André Teissier du Cros

    Président honoraire et fondateur du Comité Bastille ; Ingénieur-Docteur SupMéca (1958-63). Depuis 1972 dirige un cabinet de stratégie de l’entreprise et dirigeant intérimaire de 3 entreprises aux USA et au Canada. Acteur de soixante rapprochements d’entreprises entre l’Amérique du Nord, l’Europe, le Japon, la Chine, l’Inde, le Moyen-Orient… ; Journaliste économique (1965-71). Ouvrages : Le Courage de Diriger (Robert Laffont, 1969), L’Innovation (Robert Laffont, 1971), Recherche d’Activités et Produits nouveaux (Prix IAE du Management, 1977) ; L’Innovation Malade de l’Impôt (Eyrolles-Ed. d’Organisation, 1980); traducteur-éditeur de The Fifth Rung on Jacob’s Ladder, (Jacques Caubet, Xulon Press, USA 2004). La France, le Bébé et l’Eau du Bain (L’Harmattan 2010). La Taxe sur l’Actif Net ou Impôt Progressif sur le Patrimoine Dormant (L’Harmattan 2016) et nombreux articles et conférences ; Rapporteur du comité ‘Innovation industrielle’ dans la Commission CNPF pour le Développement Industriel, présidée par François Dalle, (1979-81), dont le rapport avait été demandé par Raymond Barre, alors Premier Ministre ; Rapporteur, Commission Nationale pour l’Innovation nommée par G. Pompidou (Commission Barthalon, 1967-71) ; Président (1988-2001) d’une section USA des Conseillers du Commerce Extérieur de la France ; Président Commission Marketing, puis Président, de l’Alliance Française d’Atlanta (2004-2009) ; Président-fondateur du Comité Bastille en 2006 ; Enseignant Georgia Institute of Technology Evaluation Compétitivité Stratégique des Industries Manufacturières (1994-2001) ; Pilote privé FAA (ASEL-IFR) ; Membre (fauteuil 26) de l’Académie des Hauts Cantons

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